Entretien réalisé par Abdoulatif DIOP
(CHALLENGE SPORTS). Dans la dernière partie de cette interview, Pape Diouf évoque ses relations avec Rama Yade, Sarkozy et certaines instances de football dans le monde. Feu Mababa évoque également ses rapports avec le football sénégalais.
Madame Rama Yade vous avait reçu à l’époque de Sarkozy. Qu’est-ce qu’elle vous avait proposé ?
Rama Yade je la connais. Je pense qu’elle avait éprouvé le besoin de me rencontrer à l’époque pour faire le point avec moi sur le football professionnel, recueillir mon avis, mes impressions, mes suggestions. Voilà c’est tout. Il n’y avait pas de propositions de sa part et je ne m’attendais pas non plus à des propositions. C’est quelqu’un tout de même que j’apprécie et qui m’apprécie et qui, à un certain moment, me consultait sur certains dossiers et je lui donnais mon avis.
Le président Sarkozy aussi vous aurait reçu aux temps où il était au pouvoir.
Ce n’était pas tout à fait comme ça. J’avais été reçu par un conseiller de Sarkozy. Mais ce n’était pas non plus pour me proposer un poste ministériel. C’était pour d’autres raisons et cela avait été interprété comme une réception de la part de l’Elysée pour me proposer un poste de ministre. Ce n’est pas vrai.
Est-ce que le poste de président de la Fédération française de football vous intéresse réellement ?
« En un moment donné, on avait avancé mon nom pour prendre la présidence de la Ligue pour remplacer Thierry Hay à l’époque, mais ça n’est pas allé loin parce que c’était, pour moi, un témoignage d’amitié de la part de certains présidents de clubs »
Non, je ne suis pas un homme qui construit comme ça des objectifs. La Fédération française de football n’est pas du tout pour moi un objectif. Certains présidents comme celui de Valenciennes au temps, avait évoqué leur intention de me voir à la présidence de la Ligue. En un moment donné, on avait avancé mon nom pour prendre la présidence de la Ligue pour remplacer Thierry Hay à l’époque, mais ça n’est pas allé loin parce que c’était, pour moi, un témoignage d’amitié de la part de ces présidents-là. Mais vraiment ce n’était pas une intention réelle.
Et l’UEFA vous intéresserait-elle? Cela pourrait être un tremplin pour la FIFA.
« Aujourd’hui je suis très content d’avoir un peu plus de temps de pouvoir lire tous les livres que j’ai accumulés depuis tant d’années, de donner des cours à l’université ; ce qui est une activité passionnante… »
On me prête de trop grands desseins. On me prête de trop grands projets. Ma réflexion ne me porte pas vers là. Aujourd’hui je suis très content d’avoir un peu plus de temps de pouvoir lire tous les livres que j’ai accumulés depuis tant d’années, de donner des cours à l’université ; ce qui est une activité passionnante. Cela me permet de donner des débats, des conférences souvent à des étudiants et des chefs d’entreprise dans ce qu’ils appellent l’art de la gestion d’un groupe. Maintenant, pour parler de l’UEFA, je pense qu’elle a aujourd’hui un président qui est en place et qui se débrouille pas mal.
L’ancien Président de l’UEFA Michel Platini ne vous avait pas courtisé aux temps où il était aux affaires… ?
Il n’avait pas besoin de ça, on se connait. Je ne pense pas qu’il ait besoin de ça. Platini est un ami et j’ai eu même à le rencontrer au cours d’une émission sur Orange TV. C’est vrai dés fois l’UEFA a peut-être des séances de travail auxquelles je pourrais m’intégrer. Il y en a une qui s’est tenue à Amsterdam. Une commission dans laquelle j’étais intégré, on me demandait d’y participer. J’y suis allé mais je n’ai jamais fait une demande officielle à l’UEFA.
Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que Pape Diouf redevienne agent de joueur ?
Absolument pas. (Il se répète…) C’est une activité que j’ai menée, je ne la fais plus. J’ai laissé aujourd’hui la société que je dirigeais à des gens très méritants qui, eux-mêmes, arrivent à animer d’une manière compétente l’entreprise qui reste modèle, efficace et respectée en France, en Europe. Je pense que c’est bon. Redevenir agent, c’est non.
Mais vous n’allez pas sortir du giron du football ?
« Il y a des gens qui nourrissent pour moi des projets dans le football »
Non, pas forcement. Mais disons que je ne sens pas un besoin urgent de faire des choses qui ne me conviendront pas. Le milieu du football est très vaste, on peut continuer à être dedans sans pour autant être au-devant de la scène. On peut faire certaines choses dans le football dans une certaine forme de discrétion. Je ne recherche pas à me retrouver au-devant de la scène.
Nourrissez-vous quelques projets sportifs surtout sur le football, le domaine que vous connaissez le plus ?
Non, pas personnellement. Mais d’autres en nourrissent pour moi. Il y a des gens qui nourrissent pour moi des projets dans le football, mais pas moi personnellement.
D’aucuns disent aussi que ça vous aurait traversé l’esprit de vouloir acheter l’Olympique de Marseille.
On m’a prêté toute sorte de démarches, toute sorte d’intentions. Mais je crois que ce ne sont que des spéculations. Rien de tout ça n’est vrai. Et puis je ne suis pas assez riche pour acheter l’Olympique de Marseille.
Il se susurrait aussi que le président Abdoulaye Wade vous avait approché quand il était aux affaires pour vous confier le département des Sports sénégalais et que vous auriez décliné l’offre.
« Je me réjouis que les gens aient de moi une si bonne image, une si bonne idée. Mais tout ce qui est dit n’est pas vrai. »
Je vous dis qu’on me prête au riche. On a tout dit. On m’a envoyé à la FIFA, on m’a envoyé à l’UEFA. On a fait de moi le futur propriétaire du club de l’OM. On n’avait même dit que je remplacerais Hayatou à la tête de la CAF à l’époque. J’ai même entendu que je serais à la tête du groupe de lobbying pour éjecter Ahmad On a tout dit. Rien de vrai ! L’affaire de Ministre des Sports sous Wade aussi était à mettre sous ce même registre. Cela ne fait que participer à tous ces projets qu’on m’a prêté jusque là.. Maintenant, il vaut mieux que les gens parlent de toi en bien qu’en mal. Donc, je me réjouis que les gens aient de moi une si bonne image, une si bonne opinion. Mais tout ce qui est dit n’est pas vrai.
Et si Macky Sall vous le proposait par exemple, est ce que vous accepteriez ?
Je ne fais jamais de la politique-fiction. Je ne peux pas commenter une chose qu’on ne m’a pas proposée.
Revenons un peu au football sénégalais qui, depuis quelque temps, est en nette progression. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que Pape Diouf apporte sa brique par exemple ?
« Je vais continuer à être disponible pour le football sénégalais. Mais que les choses soient dites de manière définitive. Je ne suis pas un donneur de leçons. »
De toute façon, depuis ces trente dernières années, chaque fois qu’on a fait appel à moi pour me demander un avis ou un conseil, j’ai été présent. Donc, je vais continuer à être disponible pour le football sénégalais. Mais que les choses soient dites de manière définitive. Je ne suis pas un donneur de leçons. Je ne suis pas une conscience, je ne suis pas une référence… (On le coupe…)
…Effectivement Pape Diouf est une référence.
… Mais pas forcement. Je pense qu’au Sénégal, il y a des gens d’une grande compétence, d’un grand dévouement et d’une grande passion pour le sport et pour le football. Il y a des gens qui payent de leur personne, de leur énergie, de leur argent pour faire avancer le football de leur pays. Ils ont une connaissance beaucoup plus approfondie que moi des réalités du pays. Donc, je ne me vois pas venir subitement et de leur dire, bouger, dégager, Dartenian est là, je vais tout faire. Je crois qu’il faut être sérieux. Ce sont des gens pour qui j’ai beaucoup de respect, beaucoup de considération. J’ai une expérience qui peut servir certes, mais ils en ont aussi. Alors si on fait appel à moi pour des conseils ou recueillir mon avis sur un domaine précis, je vais répondre. Mais attendre que je joue à Dartenian ou à Tarzan, je crois qu’il faut être sérieux, je ne peux pas le faire.
Mais Pape Diouf a toujours été quand même d’un apport considérable pour le football sénégalais.
De l’expérience que j’ai acquise, je peux tirer parfois pour essayer de donner mon avis quand on me le demande. Donc, c’est une part que je prends dans le développement des choses, mais d’autres prennent aussi d’autres parts aussi prépondérantes que celles que j’ai menées. C’est un travail collectif. Chacun apporte son travail de quotte part. Je ne suis pas celui par qui toute la lumière arrive.
Avoir été président d’un mythique club comme Marseille pendant 5 ans, n’est pas donné à n’importe qui. Est-ce que Pape Diouf est riche ?
(… Il réfléchit un peu…) Si la richesse est financière ou matériel, très sincèrement, on est toujours relativement riche par rapport à un autre. On est toujours plus riche que quelqu’un d’autre sur ce plan-là. Mais ce n’est pas cette richesse-là qui retient mon attention. La richesse, elle, est d’abord humaine. C’est celle-là qui retient mon attention, qui est plus importante pour moi. Mais être riche financièrement ou matériellement, très franchement au moment où vous pensez l’être, il suffit tout simplement de vous retourner pour voir quelqu’un qui est plus immensément riche que vous. Donc, ça n’a pas trop de sens. C’est la richesse humaine qui est importante.
Abdoulatif DIOP