Workshop de l’Anps Diaspora à Paris: Plonger au cœur des défis de la couverture des grands événements sportifs.

(CHALLENGE SPORTS) – À deux semaines de l’ouverture de la Coupe d’Afrique des Nations Maroc 2025, l’Association nationale de la presse sportive sénégalaise de la Diaspora (ANPS-Diaspora) dirigée par Abdou Latif Diop a organisé, samedi 6 décembre à Paris, un workshop consacré aux enjeux de la couverture des grandes compétitions footballistiques. Une rencontre marquée par des échanges riches, malgré l’absence de personnalités attendues comme les journalistes français Frank Simon, Hervé Penot ou encore le modérateur Yoro Mangara.

Collecte de l’information en période de CAN : l’expérience d’Ababacar Diarra (RFI)

Le journaliste de RFI, Ababacar Diarra, a ouvert les discussions en partageant ses méthodes pour couvrir une CAN en milieu souvent saturé d’informations et de rumeurs.« J’ai couvert un certain nombre de CAN. Ce sont toujours les plus belles expériences de ma carrière », confie-t-il. Originaire du Sénégal mais travaillant pour des médias internationaux, Diarra insiste sur la nécessaire distance professionnelle, même face aux fortes émotions nationales. « Quand Sadio Mané marque le but de la victoire en 2022, j’ai dû garder mes émotions pour moi. » Il met également en garde contre « la course au scoop », illustrée récemment par la rumeur autour d’Hervé Renard pressenti sur le banc de la Côte d’Ivoire : « De plus en plus, tout circule sur Internet. La rumeur enfle, les médias reprennent et parfois on annonce de grosses bêtises. »

Vérifier en pleine CAN ?

Diarra recommande d’aller « parler aux fédérations et aux media officers », même si l’accès à l’information peut être complexe.
L’autre défi : la concurrence des influenceurs, qu’il juge « bien réelle », même si des lignes doivent être tracées.

Temps court vs temps long : les fondamentaux du métier selon Mamoudou Ibra Kane

L’ancien directeur général du Groupe Futur Média, Mamoudou Ibra Kane, a rappelé la tension permanente entre : temps court des réseaux sociaux, temps long de la vérification journalistique. « Le journaliste doit rester professionnel et vérifier. Le temps long doit toujours primer. » Il illustre son propos par des cas emblématiques :

Le cas Fadiga (Mondial 2002)

Une affaire hautement sensible, rappelée comme un exemple de rigueur : « À Walf, on a énormément recoupé avant de publier. On risquait d’être traités de traîtres à la nation. »
Là aussi, le traitement devait être mesuré.
Pour lui, la confiance entre la rédaction et l’envoyé spécial est non négociable : « Le média doit faire confiance à son reporter. »

Influenceurs : concurrents mais pas substituts

Ibra Kane reconnaît leur importance, mais sans danger pour le métier : « Les influenceurs ne remplaceront pas les journalistes.»
Il appelle plutôt les professionnels à « envahir les réseaux sociaux » pour reprendre leur place.

Accès à l’information et gestion des sujets sensibles : les éclairages de Karim Baldé

Autre voix forte du jour, Karim Baldé, collaborateur de TV5, France 24, RFI…, a abordé l’accès à l’information souvent verrouillée autour des sélections.
Pour les sujets particulièrement sensibles : « C’est un feuilleton où chacun a ses intérêts. Il faut multiplier les sources. On n’a pas besoin d’être les premiers. » Il cite un exemple marquant : le faux transfert de Jean Michaël Seri au Barça, abondamment relayé mais non avéré. Autre cas : l’état du terrain de Douala lors d’une CAN. Pour prouver la supercherie de la pelouse coloriée : « Le cameraman filmait et changeait de carte mémoire pour éviter la confiscation. Quand la sécurité nous a interpellé nous avons dit que nous n’avons pas filmer. Après, il fallait décider si on devait en parler. Finalement j’en ai parlé, la CAF n’avait pas apprécié la révélation. » Baldé a également évoqué la « manipulation » fréquente durant les compétitions, citant le cas recent de Marc Brys au Cameroun, où démêler le vrai du faux relevait du casse-tête.

Les enjeux pour les patrons de presse

Sur la question des moyens et des arbitrages financiers liés aux grands événements, Mamadou Ibra Kane a été clair : « C’est l’événement qui commande. Aux médias de s’organiser pour capter les annonceurs. » Avec une CAN 2025 organisée seulement six mois avant la Coupe du monde, il s’attend à ce que beaucoup de rédactions peineront à envoyer des reporters, particulièrement à cause du coût. Il rappelle aussi les enjeux liés aux droits télé qui conditionnent la visibilité des rencontres et des équipes.

Ce workshop de l’ANPS Diaspora a mis en lumière les défis cruciaux, parfois sous-estimés, de la couverture des grandes compétitions : vérification, accès à l’information, gestion des rumeurs, concurrence des influenceurs, pressions éditoriales, émotions personnelles…
Autant d’éléments qui rappellent que la CAN n’est pas seulement un événement sportif, mais aussi un grand moment de journalisme.

MOR NDIAYE

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