Un dossier d’Adama NDIONE
(CHALLENGE SPORTS). La question de l’identité remarquable du football sénégalais a souvent été posée, soit par les spécialistes et les techniciens, soit par les supporters. L’identité de jeu d’une sélection ou d’un club peut être qualifiée par la manière générale de jouer de cette équipe, qui reste inchangée et se perpétue au fil des années et des générations.
Par exemple, lorsqu’on parle du Brésil, on évoque souvent le spectacle et le plaisir du football, l’Allemagne a souvent été réputée être une équipe qui joue long et qui fait courir ses adversaires.
En Afrique, si les maghrébins sont généralement connus pour leur jeu vif, la conservation de balle. Au Sénégal par exemple, les style de jeu a souvent varié selon les sélectionneurs. Nous nous intéressons aux sélectionneurs locaux qui ont été sur le banc des Lions pendant ces dix dernières années. Nous tenterons de décortiquer leur style de jeu, leur flair ou leur approche. Bref, chacun a sa façon de faire jouer ses poulains. Abdoulaye Sarr, Amara Traoré, Lamine Ndiaye, Joseph Koto ou Aliou Cissé, chacun a sa touche personnelle. Diagnostics d’un football en reconstruction à travers ces différents entraîneurs après la déconvenue de 2010.
Le football sénégalais a la particularité de n’avoir jamais été sacré en Afrique. Une absence de trophée qui semble nier aux lions une sorte de mérite qui a toujours caractérisé la qualité de leur football. D’aucuns parlent d’anomalie de l’histoire. Soit ! Toujours est-il que de la Can 1968 à celle de 1986, la longue traversée du désert a entamé cette réputation d’un football pas encore parmi les meilleurs du continent.
Cependant, la plupart des sélectionneurs qui se sont succédés sur le banc des lions ont hérité du travail de fourmi abattu par l’allemand Peter Schnittger, entre 1994 et 2000. Fin technicien de l’école allemande, il a réussi à former plusieurs techniciens sénégalais dont Boucounta Cissé, feu Karim Séga Diouf, Lamine Dieng, Abdoulaye Ba, Momar Thioune, et surtout Abdoulaye Sarr, plusieurs fois sélectionneur du Sénégal en catégories U17, U20, U23 et en équipe A. Cet article a pour but d’analyser les approches tactiques des 5 derniers sélectionneurs locaux de l’équipe nationale du Sénégal de football à savoir Abdoulaye Sarr, Lamine Ndiaye, Amara Traoré, Joseph Koto et l’actuel sélectionneur Aliou Cissé.
Abdoulaye Sarr a été sélectionneur de l’équipe nationale A du Sénégal, du 1er juillet 2005 au 13 mai 2006. Une période de 10 mois durant laquelle il a eu à disputer la phase finale de la coupe d’Afrique des Nations de 2006 en Egypte. Sarr avait été aux commandes des Lions du Sénégal à la suite de la démission de Guy Stephan, qui n’avait pas réussi à se qualifier pour la coupe du monde 2006 en Allemagne. En effet l’actuel adjoint de Didier Deschamps en équipe de France a été limogé par le président de la Fédération sénégalaise de football (FSF), Saïd Fakhry, au sortir d’une audience qu’il a eu avec le Premier ministre d’alors, Macky Sall, suite au tollé soulevé par le match nul 2-2 des Lions contre les éperviers du Togo.
Si le sélectionneur Abdoulaye Sarr a eu à hériter d’un groupe dont la plupart avait disputé la Coupe du Monde 2002 (Tony Silva, El Hadj Diouf, Habib Béye, Ferdinand Coly, Lamine Diatta, Pape Bouba Diop, Salif Diao et consorts), il a eu tout de même promu des talents qui tapaient aux portes de l’équipe nationale du Sénégal, à l’image du jeune Rahmane Barry, Issa Ba, Pape Mamadou Diouf, Dino Djiba, Boukhary Dramé etc.
Ainsi, Abdoulaye Sarr aura réussi à tirer le meilleur de ce groupe qui avait terminé 2e de son groupe devant la Zambie et derrière le Togo, lors de ces éliminatoires combinées de la Can et de la Coupe du Monde 2006.
Abdoulaye Sarr s’appuyait généralement sur un 4-2-3-1 mutable en 4-3-3 ou en 4-4-2 à plat, avec des joueurs de couloir très rapides comme Diomansy Kamara et Frederic Mendy. Une des innovations qu’a apporté Laye Sarr a aussi été la migration de Lamine Diatta à droite notamment en demi-finale contre l’Egypte, tandis que Pape Malickou Diakhaté et Souleymane Diawara sont dans l’axe de la défense.
Pour mieux comprendre le Sénégal de Laye Sarr, il faut observer de près sa première composition sur le banc des Lions, un certain samedi 3 Septembre 2005 à Chililabombe. Avec Tony Silva dans les buts, la défense était composée de Lamine Diatta, Souleymane Diawara, Ferdinand Coly et Habib Béye. Une configuration dont l’objectif était de densifier la défense afin de sécuriser la 2e place, en ce sens qu’il n’avait plus qu’à négocier la réception des modestes libériens lanternes rouges, avant d’aller à Brazzaville. Au milieu, il y avait Pape Malickou Diakhaté, Amdy Faye et Issa Ba, qui joue derrière les attaquants Mamadou Niang, El Hadj Diouf (buteur) et Fred Mendy.
Dans cette configuration qui, faut-il le rappeler, a valu au sélectionneur une victoire probante sur les ChipoloPolos. On voit un dispositif où à cause de l’indisponibilité de Daf, c’est Habib Béye qui est allé dépanner à gauche alors que Coly était fidèle à son couloir droit. Malickou, qui a souvent joué en sentinelle, a été allié à Amdy Moustapha Faye, faisant qu’Issa Ba était en meneur aux côtés de Diouf et Mendy, laissant Niang en pointe.
Ainsi, dans cette disposition tactique, le rôle des deux hommes du milieu de terrain devant la défense (Malickou et Amdy en l’occurrence) est fondamental pour l’équilibre de l’équipe. L’instruction était qu’ils ne quittent jamais la zone médiane du terrain, vu que Sarr jouait à l’extérieur. Aussi, l’accompagnement des actions de la part de Malickou et Amdy Faye ne se faisait pas au-delà de la position du ballon, aussi bien en attaque qu’en défensive, car il savait qu’un de ses latéraux (Béye) n’était qu’un droitier qui dépannait à gauche. Le plus intéressant dans ce choix de Laye Sarr dans son 1er match officiel avec les Lions était que Malickou était doté des caractéristiques principales d’une bonne sentinelle, de manière à pouvoir servir de référence aux quatre défenseurs surtout en phase de construction d’action offensive (les premières relances de Diawara et Diatta). Et pour compenser le tout, Amdy avait la faculté de courir vite afin de couvrir les espaces en cas de montée d’Issa Ba.
Si ce match se jouait dans un contexte particulier, celui contre le Zimbabwe lors de la première sortie des Lions à la CAN 2006 était sensiblement différente en termes d’animation de jeu. Si le gardien et les 4 défenseurs n’ont pas changé par rapport à Chililabombe, Abdoulaye Diagne Faye a joué à la place de Malickou, pour compléter Amdy Faye. Mais Laye Sarr aborde cette CAN avec une disposition qui donne la primeur au jeu de centre, sur les côtés, en titularisant Rahmane Barry et Diomansy Karama sur les côtés, EL Hadj Diouf et Henry Camara devant, dans un sympathique 4-4-2 à plat. Victoire nette 2-0 contre les Warriors. Les matchs suivants, il modifie sensiblement son équipe en faisant démarrer Issa Ba à la place de Diomansy dans un 4-3-3, mais un rouge de Béye déstabilise son équipe qui perd 1-0 contre le Ghana. Une défaite contre le Nigéria lors de sa 3e sortie ne l’élimine pas, malgré un retour au 4-4-2 à plat (Barry, Diomansy, Diouf et Henri).
Il est vrai que le technicien n’a fait que 10 mois à la tête des Lions du Sénégal. Mais son passage a été jalonné par des matchs assez maîtrisés dans le jeu, dont les caractéristiques principales étaient : une défense sécurisée, un milieu à deux qui ne monte que rarement au-delà de la position du ballon aussi bien en phases défensives qu’offensives, et un jeu d’attaque basé sur les centres de ses joueurs de couloir. Le Sénégal de Laye Sarr fait partie des plus homogènes et des plus stables avec à la clé beaucoup de jeunes promus dans l’antichambre de la tanière.
ADAMA NDIONE