Par Mamadou Lamine DIATTA
(CHALLENGE SPORTS) – Il ya neuf mois, Dr Nalla Cissé Diop, conseiller technique de Mme le ministre des sports déclarait avec une pointe de condescendance : « Pape Thiaw ne peut pas prétendre de facto au même salaire qu’Aliou Cissé à savoir 30 millions cfa. » À l’époque, j’avais personnellement trempé ma plume au vitriol en consacrant ma chronique hebdomadaire à ce que j’avais appelé la haine de soi. C’est simple, les étrangers amicalement désignés sous le vocable de « sorciers blancs » n’ont jamais été traités avec autant de réserves et d’à priori.

Le conseiller du ministre n’avait pas été prudent et humble dans la réflexion. Il ya des choses qui ne se disent pas sur la place publique. Il voulait affirmer en filigrane que l’Etat qui paie l’entraîneur national ( autre incongruité !) voudrait bien challenger Pape Thiaw avant de lui concéder quelques égards.
Aujourd’hui, on pourrait bien dire que la valeur marchande du coach national vaut bien plus de 30 millions cfa en prenant juste l’officiel sénégalais indélicat au mot.
En tous les cas, ces propos malheureux ont visiblement dopé et boosté Pape Thiaw auteur d’une performance remarquable depuis qu’il a pris en main les destinées de la sélection nationale : 12 matchs 10 victoires et deux matchs nuls. 28 buts marqués une moyenne de 2,3 buts par match . Et puis, le profil des buteurs a changé d’autant que les milieux de terrain Pape Matar Sarr, Habib Diarra et compagnie ont trouvé le chemin des filets une dizaine de fois. Autant dire que tout le potentiel offensif du groupe est libéré. C’est factuel et rassurant à la fois car dans le football moderne, tous les joueurs doivent pourvoir marquer des buts y compris les gardiens de but…
Aujourd’hui, l’équipe nationale du Sénégal est plus que jamais attractive. Après avoir battu l’Angleterre et la RDC qui jouaient à domicile, c’est le grand Brésil qui nous convoite encore. Le même Brésil battu par le Sénégal sous l’ère Cissé.
Justement, il ne s’agit pas de faire la comparaison entre Thiaw et son prédécesseur Aliou Cissé. L’idée, c’est d’analyser le Management des deux techniciens et leur style de jeu. Et puis comparaison n’est pas raison.
Autant Cissé avait instauré une discipline de fer qui lui avait valu d’excellents résultats notamment la Coupe d’Afrique des nations considérée comme le Graal pour chaque sélection africaine, autant le Management de Thiaw est moins dirigiste. Pour autant, il ya quand même de la rigueur dans la gestion du groupe. Disons que l’actuel coach est moins autoritaire. Autrement dit, Thiaw est plus subtil et plus ouvert aux critiques et aux suggestions. Clairement.
Mieux, les Lions jouent désormais un football fluide et alléchant pour ne pas tomber dans l’euphorie de parler d’un jeu léché. On sent et constate nettement l’existence d’un véritable plan de jeu bien pensé et déroulé sur la pelouse par un groupe aux profils interchangeables. Même s’il faut reconnaître quelques errements liés grandement à des temps faibles de l’équipe sur les trente premières minutes des matchs. Une faiblesse compensée par le fait que Thiaw arrive à apporter de meilleurs correctifs avec plus d’audace et de justesse de vue dans les changements afin de mieux terminer ses matchs.
À l’image de Cissé, Thiaw est confronté à un problème de riches. C’est à dire que même les joueurs qui cirent le banc de touche joueraient dans le onze de départ de plusieurs sélections africaines. Il en est notamment de Jakobs, Pape Matar Sarr, Habib Diallo, Assane Diao et même Sabaly…
Tout de même, il faut veiller à ce que tout le monde garde les pieds sur terre et éviter de s’enflammer. Le football reste un jeu imprévisible et surtout ingrat. Cissé avait survolé les rencontres livrées avant la CAN ivoirienne et avait même conquis le monde du foot avec trois matchs d’affilée victorieux dans cette même aventure. Mais l’opinion publique n’avait finalement retenu que la défaite aux tirs au but essuyée contre la Côte -d’Ivoire pays hôte et futur vainqueur de l’épreuve. C’est cela la cruelle réalité du Game. Tous les coachs du monde le savent et l’intègrent. Un jour adulé et porté au pinacle, le lendemain voué aux gémonies voire vertement insulté par un bouillant supporter, saltimbanque et rapace de la toile.
Pape Thiaw le sait très bien. C’est sans doute la raison pour laquelle il reste toujours zen, le sourire en coin. Une manière de savourer délicatement ces instants précieux.
L’État, principal bailleur du football et la fédération d’Abdoulaye Fall devraient d’ailleurs songer à le renforcer par la grâce d’une hausse de salaire ou toute autre mesure de nature à le motiver davantage.


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